14h, un 7 janvier à la lumière un peu pâle, la porte d'un bleu discret s'ouvre pour me laisser entrer. Jany m'attend avec un grand sourire, tandis qu’Évelyne, la maîtresse de maison m'invite à passer le seuil. Je cherche un endroit où essuyer mes bottines mouillées mais Évelyne m'arrête d'un sourire, « ne cherche pas, la maison est faite pour le vivant » et c'est vrai, on se sent tout de suite bien dans cet intérieur clair et chaleureux. Je songe que l’interview que je vais réaliser va se révéler passionnante !
Voilà, je suis dans l'antre de la création de l'Atelier d’Art Contemporain Seller, plus précisément, celui d’Évelyne Sarragozi, leur professeur et mentor, et surtout le lieu où sont entreposées les toiles que je vais découvrir en avant première pour l'exposition Sur les pas de Zao Wou-ki, qui sera prochainement accrochée sur nos murs en février.
Depuis sa création en novembre 2018, l'Atelier choisit de grandes figures de l'art abstrait contemporain pour travailler leur technique et la matière. Certains élèves sont néophytes, d'autres sont confirmés et ont leurs propres expositions en parallèle. L'Abstraction se définit par la composition, l'équilibre des couleurs et l'épaisseur des matériaux.
Faisant suite à l'exposition qui suivait les traces d'Oliver Debré en 2019, l'Atelier Seller a souhaité continuer d'explorer l'univers foisonnant de l'Abstraction Lyrique, que Debré nommait « l’abstraction fervente », en imaginant un nouveau projet autour de l’œuvre du peintre chinois naturalisé français, Zao Wou-ki.
A ma question sur la naissance de ce projet, les artistes-élèves se regardent... « C’était il y a longtemps, au moins trois ans » me disent t-ils étonnés, et « nous l'avons quitté pour d'autres projets et repris ça et là ». Mais tous sont unanimes ! Le point de départ a été un travail sur les encres de couleur, et tout naturellement Zao Wou-Ki s'est imposé.
Encres réalisées par l'Atelier AACS pour la Fête du Pont Transbordeur, mai 2020, projet « D'une rive à l'autre »
Je m'interroge … Comment s'y prend t-on pour s'immerger dans l'univers d'un peintre ? Les élèves me confient qu'il y a au préalable une étape d'imprégnation de la vie de l'artiste, car il est nécessaire pour Évelyne, d'en cerner l'influence ainsi que l'environnement, pour s'approprier la technique et s'en approcher au plus près, « aller à la sève », tout en gardant une touche personnelle.
Je leur demande donc quels aspects de la vie de Zao Wou-ki les a intéressés et pour l'ensemble des élèves c'est bien le lien qu'a entretenu Zao Wou-Ki entre l'Orient et l’Occident, notamment l'influence que sa vie à Paris a exercée sur lui et son voyage aux États-Unis. Ils me disent aussi qu'ils ont été attirés par la place de la Calligraphie chinoise dans l'art de Zao Wou-Ki. Et tous sont unanimes, le mot d'ordre du travail de l'atelier est le suivant : « On ne fait pas de copie, on fait à la manière de » selon Jany et il importe à Evelyne que « chacun soit laissé libre dans sa perception de l’œuvre car cela dévoile sa personnalité ».
Parallèlement, lorsque cela est possible, il leur faut aller à la rencontre du Maître et se confronter aux toiles exposées, et les élèves de l'Atelier sont chanceux, en janvier 2019, se tient au Musée d'Art Moderne de Paris la première exposition consacré à Zao Wou-Ki depuis 15 ans !
Ensuite, il faut s'atteler à la tâche, se mettre devant la toile, et ce n'est pas toujours sans souffrir : la peinture traduit selon eux des émotions, est un moyen d'évasion et également un épanouissement culturel, mais elle est avant tout un moyen d'expression, parfois rétive, d'autre fois difficile à mettre en œuvre. Les élèves éprouvent ainsi la souffrance de la création, chaque tableau se construit par étape et retouches, avec des échanges réguliers entre artistes, il y a la confrontation des travaux lors de réunions et Évelyne est toujours là pour guider et réorienter s'il le faut car le mot d'ordre est la qualité ! Et il y en a, des hésitations, « on patouille » nous confie Jany. Dans l'art abstrait, il y a des gestes difficiles comme accepter de déchirer la toile. L'élève doit également faire un travail sur lui-même lorsqu'il est perfectionniste et accepter « que tout ne soit pas sous contrôle » dit pensivement Marie-Pierre, on apprend de soi-même.
Fut réalisée en dernier, des encres inspirées de celles de Zao Wou-Ki pour l'inauguration du Pont Transbordeur prévue en mai 2020 mais ces encres n'ont pu être exposées suite au report de la Fête et attendent leur heure, compilées dans un grand carton à dessin chez Évelyne.
A ma question sur leurs souhaits pour cette année 2022, l'Atelier me répond qu'il souhaite à présent étendre ses possibilités d'exposition pour proposer leur réflexion sur l'Art abstrait à un public plus large, toujours en donnant l'occasion de découvrir de grandes figures de la peinture, et en incitant à regarder et à partager ses émotions face à la toile. Leur grand souhait pour 2022 est donc de créer une participation active du public et ils réfléchissent d'or et déjà aux moyens pour le mettre en œuvre. Et dans la liste des projets à venir, 2022 sera aussi le début d'un travail sur une famille d'artistes ayant en commun une manière de peindre ainsi que le Livre d'artiste.
Mon interview s'achève donc sur des promesses de découvertes et de partage, des mots de passion et d’enthousiasme de cet Atelier qui souhaite laisser ces deux ans d'isolement derrière lui et rencontrer à nouveau le public !
Nolwenn, votre reporter de Fouras-les-Bains
L'exposition est visible à la médiathèque de Fouras-les-Bains du 4 février au 9 mars 2022, aux horaires d'ouverture habituels.
Bibliographie Zao Wou-Ki :
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